Rendre la ville inclusive

La ville inclusive

8 avril 2024

81,51 %, c’est la part de la population vivant dans une zone urbaine en 2022. Les fermetures d’usines, le déclin de l’emploi agricole, la fermeture des services publique, la part importante des emplois dans le secteur tertiaire sont autant de facteurs qui ont poussé la population française pendant plusieurs décennies à se rapprocher des villes.

La ville attire, multiplie la possibilité de trouver un emploi, permet l’accès à la culture, aux loisirs, aux rencontres. Mais la ville exclut, ceux et celles qui ne correspondent pas au profil pour qui les villes pendant des années ont été bâtis : un homme actif, de classe moyenne, sans handicaps et se déplaçant en voiture.

Les personnes à mobilité réduite, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les femmes, les enfants, les personnes en situation de précarités ont été pendant trop longtemps exclus des réflexions sur la planification urbaine.

Depuis une dizaine d’années, les urbanistes, les instances de décisions politiques et les collectivités ont pris conscience de l’importance de mettre la question sociale au cœur de la fabrique des villes. La ville inclusive est devenue un enjeu politique pour l’intégration de toutes les personnes.

L’inclusion urbaine ne se limite plus à des rampes d’accès et à des trottoirs bien conçus. Elle englobe désormais des principes d’équité dans l’accès aux loisirs, aux espaces publics, aux logements et à la participation citoyenne. L’évolution de ce concept souligne la nécessité d’aborder les disparités sous toutes leurs formes, créant ainsi une vision plus complète de la ville inclusive.

Inclure les citoyennes et citoyens dans le processus de planification urbaine

Encourager les différents groupes de populations à partager leurs opinions et à exprimer leurs besoins, inviter les associations expertes et  les acteurs de l’aménagement à collaborer, sont des facteurs primordiaux de la planification urbaine inclusive.

La concertation citoyenne est partout dans les projets de construction ou rénovation urbaine, mais la plupart du temps les retours des citoyens ne sont pas bien pris en compte dans le projet final.

Afin d’écouter et répondre aux besoins réels, voici quelques conseils issus des associations et agences spécialisées en participation citoyenne Appuii ,Missions Publiques et  Res publica  :

  1. Partir des besoins et demandes des habitants.

De nombreuses demandes de soutien à des projets partent des citoyens. Elles constituent une preuve de la nécessité d’accorder davantage de crédit à la parole des personnes concernées et de la possibilité de conforter cette parole.

2. Utiliser plusieurs outils pour impliquer le plus de personnes concernées

Ballades urbaines, plates-formes en ligne, cartes interactives, commission citoyenne paritaire, réseaux sociaux, tractages, serious game… sont autant d’outils à utiliser et combiner pour inclure le maximum de personne et favoriser une participation active.

3. Impliquer les personnes concernées et les associations expertes tout le long du processus

Il est nécessaire d’écouter les besoins des participants au projet et de les tenir informés tout le long. Cela assure une qualité de dialogue même si toutes les étapes ne font pas appel à une démarche participative.

4. Savoir se remettre en question et adapter le projet.

Être capable de se remettre en question et d’adapter le projet aux réalités des usagers est essentiel. Si des personnes se désengagent d’un processus de concertation, cela signifie que la question ou le résultat ne sont pas adaptés à leurs besoins. Un défi majeur de la concertation citoyenne réside dans la capacité à réagir face à des techniques qui ne fonctionnent pas, en proposant des méthodes alternatives en accord avec les habitudes et les préférences des participants.

5. Informer de manière compréhensible et accessible

Utilisez un langage clair et accessible dans les documents de planification pour garantir l’intelligibilité des informations fournies et évitez le jargon technique autant que possible.

6. Dresser un bilan du projet

Le bilan est la clef de compréhension de la décision qui a été prise. Il doit synthétiser ce qui a été exprimé, présenté ce qui va être réalisé. Il doit comprendre plusieurs éléments : projet, cadre de la consultation citoyenne, déroulement, synthèses des expressions citoyennes, réponse de la collectivité et décision finale.

Faire de la ville un espace accessible, autonomisant et sécurisé.

Les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite, les personnes en situation de handicap, les femmes et les enfants sont autant de profils pour qui l’espace urbain peut représenter un réel défi en termes d’accessibilité et de sécurité. Chaque type de profil à des besoins spécifiques qu’il est nécessaire de prendre en compte dans la conception urbaine.

Les séniors de plus de 65 ans sont davantage susceptibles d’avoir un accident grave ou mortel de la circulation lorsqu’ils sont piétons. Cela s’explique par plusieurs facteurs : diminution des capacités physiques , mobilité réduite, vulnérabilité accrue. De plus, les séniors ont une plus grande proportion à se fatiguer lorsqu’ils doivent sortir et ont peur de subir un accident ou d’être agressés. Pour toutes ces raisons, nombre d’entre eux sortent rarement et peu de temps (28 minutes en moyenne par jour), aggravant leur sentiment d’insécurité, leur solitude et leur sédentarité.

En France, en 2021, on estime que 14 % de la proportion de personnes de plus de 15 ans en situation de handicap, ressentent une limitation sévère dans la vie quotidienne pour : se déplacer, faire les courses, participer à des évènements culturels, travailler…

Les femmes et les enfants quant à eux ressentent une certaine vulnérabilité dans l’espace public et prévoient leur trajet en fonction des dangers (véhicules roulant trop vite, agressions…).

Pour répondre à ses problématiques et  mettre en œuvre une ville inclusive et sécurisée, voici  quelques bonnes pratiques à adopter :

Concevoir une voirie accessible pour tous :  dans une volonté de développer la piétonnisation, les revêtements de sols doivent être bien choisis pour faciliter le déplacement de tous. Il est préférable de choisir des sols plan et lisses en : enrobés, asphalte, béton ou en pavés sciés . Ces enrobés permettent aux fauteuils, poussettes et personnes porteuses de cannes de circuler en toute sécurité.  La Cerema préconise des trottoirs d’une largeur minimum de 2m50 (contre 1m40 aujourd’hui) et l’abaissement de ceux-ci afin de faciliter les déplacements de personnes en fauteuil, des poussettes, mais aussi des groupes.

Dans la ville inclusive, les rues doivent être aisées à parcourir pour les personnes mal voyantes ou aveugles. Un bon moyen de faciliter leur repérage dans l’espace et leur autonomie est d’installer des bandes de guidages, assemblées pour faire un cheminement. Les passages piétons doivent également d’être indiqués par des bandes d’éveil à la vigilance pour attirer l’attention sur la présence d’une traversée de route.

Multiplier les feux sonores est un incontournable de la voirie, pour la traverser sans danger des personnes mal voyantes et aveugles.

Faciliter les déplacements : le réseau de transport en commun doit  proposer des aménagements pour les personnes à mobilité réduite comme des navettes spécialement adaptés à ce public.

Afin de garantir la sécurité de toutes et tous, il peut être proposé des services d’arrêt à la demande dans les bus de nuit. Cela offre la possibilité aux passagers de demander au chauffeur de bus de s’arrêter plus prêt de son logement, entre deux arrêts.

Favoriser le confort de tout le monde :  que ce soit sur la voirie ou dans les espaces verts les bancs doivent être adaptés aux personnes à mobilité réduite en ayant des accoudoirs permettant de s’appuyer pour se relever facilement. Les tables de pique-nique doivent elles aussi avoir des places permettant à des personnes en fauteuils de s’y attabler. Il est nécessaire de multiplier les toilettes publiques sur la voirie en accordant plus de cabines pour les femmes et les personnes à mobilité réduite.

Faire émerger des lieux de rencontres et de loisirs :  un des moyen pour inciter les personnes à  faire  d’avantage d’activité physique et donner envie aux personnes de sortir de chez soi est d’aménager des parcours agréables ou des terrains de jeux dégenrés avec des visuels colorés. C’est ce qu’on appelle design actif. Le design actif c’est aussi proposer des lieux végétalisés intégrant du mobilier de détente pour susciter l’envie d’occuper l’espace public. La conception de ce type d’espaces donne la priorité aux piétons et aux modes de transports doux. Les chaises longues, le mobilier à multiple fonction ou encore des assises larges permettant de s’assoir à plusieurs, sont autant de types de mobiliers urbains qui favorisent l’appropriation des rues et les rencontres.

Offrir des logements dignes et abordables : concevoir la ville inclusive c’est aussi faire en sorte que chaque personne puisse accéder à un logement digne, abordable et accessible. Plusieurs mesures sont donc à prendre : lutter contre l’inflation immobilière et foncière via l’encadrement des loyers, multiplier l’offre de logements HLM, rénover les bâtiments vétustes. Le soutien aux projets d’habitations participatif, intergénérationnel et d’urgence, assure le développement d’habitations alternatives qui favorise le lien social des personnes marginalisées et permet un maintien à domicile plus long des personnes âgées.

Soutenir les incitatives associatives et citoyennes : Les associations et citoyens sont porteurs de projets d’utilité publique. Une ville inclusive est une ville qui soutient et finance : des centres contre les violences faites aux femmes, des ressourceries, des cantines solidaires, des logements inclusifs, des jardins partagés…

L’exemple de Nantes :  ville inclusive et participative

Après avoir passé en revue les bonnes pratiques de la fabrique de la ville inclusive, penchons-nous sur le cas de Nantes métropole. Depuis 2015, Nantes et son agglomération reflètent la volonté d’intégrer les citoyens et citoyennes dans le cœur du processus de réflexion pour la transformation urbaine.

Cette volonté se traduit par la mise en place d’un « dialogue citoyen », un dispositif  destiné aux habitantes et habitants des 24 communes de la métropole nantaise mêlant plusieurs outils : des grands débats, des instances et conseils citoyens, des ateliers citoyens, des budgets et chantiers participatifs, des évaluations participatives, des conseils de développement… dont les modalités de participation sont disponibles sur une plate-forme en ligne : https://dialoguecitoyen.metropole.nantes.fr/

1.  Utilisation de  la concertation citoyenne dans les projets d’aménagement urbain

De janvier à juin 2017 Nantes métropole ouvre une concertation citoyenne dans le cadre de l’aménagement  d’un axe cyclable sur les bords de l’Erdre  afin de recueillir les premières idées et remarques venant nourrir l’analyse des paysagistes en charge de l’étude.

La consultation s’est déroulée en plusieurs temps avec : une ballade urbaine et deux ateliers de concertation citoyenne. L’objectif était de proposer un parcours sécurisé pour les vélos sur un axe de grand afflux et laisser plus de places aux piétons et PMR. À la suite de cette concertation citoyenne, les places de parkings de la voie longeant l’Erdre ont été supprimées pour créer une voie cyclable double surélevée. L’ancienne voie cyclable a été utilisée pour créer un prolongement du trottoir.

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  1. Faire contribuer les citoyens et associations dans la valorisation de lieux inoccupés

Toujours dans la volonté de mettre les citoyens et citoyennes au cœur de la fabrique de la ville, Nantes métropole invite en 2017 les Nantaises et Nantais  à partager leurs idées sur les 15 lieux à réinventer via différents modes de contribution : questionnaire en ligne, cartes postales disponibles dans toute la ville… Les  contributions récoltées ont ensuite été analysées et transformées en 15 cahiers d’inspiration, intégrés aux cahiers des charges que doivent respecter les porteurs de projets installés sur les lieux.

Habitants, collectifs, associations et acteurs de l’économie sociale et solidaire étaient invités à participer à l’appel à projets, ouvert de novembre 2017 à fin janvier 2018, 41 projets ont été déposés.

Les habitantes et habitants de Nantes métropole ont par la suite été invité à voter parmi 41 projets pour en sélectionner 15.

L’association cocotte solidaire, grande gagnante du projet pour réinventer «  La cocotte en verre » située sur l’île de Versailles, propose depuis le 6 septembre 2019  des repas participatifs qui coûtent environ de 9€, mais chacun donne en fonction de ses moyens. Elle invite les Nantais et Nantaises à participer préparation d’un repas, du repas, d’un café ou de la vaisselle à nettoyer.  Les repas sont végétariens et préparés avec des produits locaux. L’objectif de ce lieu est de créer du lien social en accueillant des publics variés. Elle propose également divers types d’ateliers portés par des associations.

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Conclusion : concevoir une ville inclusive ne peut se faire qu’en incluant activement les citoyens, usages et associations  dans les prises de décisions pour garantir une coopération entre tous les acteurs du projet et appréhender la fabrique de la ville à échelle humaine. L’objectif est donc de transformer la ville  pour satisfaire les besoins des habitants et pour faire face au changement climatique.

Sources

https://cahiers-nantais.fr/index.php?id=1091

https://www.demainlaville.com/le-dialogue-citoyen-un-nouvel-outil-pour-faire-la-ville/

https://urbanlab.parisandco.paris/a-la-une/actualites/belle-histoire-n-17-dialogue-citoyen-comment-impliquer-les-habitants-dans-la-fabrique-de-la-ville

https://metropolitiques.eu/Une-association-aux-cotes-des-habitants-faire-valoir-le-droit-a-la-ville.html

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02535612/document

Aménagement cyclable sur les bords de l’Erdre – Avis citoyens

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